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 La guerre, Andrée CHEDID, Arrêt sur image.

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MessageSujet: La guerre, Andrée CHEDID, Arrêt sur image.   La guerre, Andrée CHEDID, Arrêt sur image. Icon_minitimeDim 1 Aoû 2010 - 0:54

- La guerre, c'est quoi maman ?
Au milieu du repas, l'enfant se leva brusquement de table, se rua vers sa mère, se hissa sur ses
genoux. Se blottissant contre elle, il ferma les yeux après avoir tourné le dos à l'écran.
- La guerre, c'est quoi, c'est pour quoi ? répétait-il d'une voix épouvantée.
Ces armes, ces visages meurtris, ces gestes brutaux, ces corps sans vie, qui venaient envahir cette pièce colorée, paisible, bien -à l'abri, prenaient soudain consistance. Il fallait qu'on lui explique ces images et la raison de tout cela.
- Retourne à ta place, Martin, gronda le père.
L'enfant se pelotonna contre la poitrine d'Agnès, lui encerclant la taille de ses deux bras.
Ils ne faisaient plus qu'un.
Martin n'avait aucune intention d'obéir à l'ordre de son père, aucune intention de quitter son
refuge. Cette journée de juin se prolongeait agréablement. Le soleil était encore là ; tout respirait les vacances, les proches plaisirs de l'été. Désarçonné par l'obstination de son fils, Thomas n'insista pas.

Le visage blême, interrogateur, de Martin, inquiéta sa mère. L'enfant transpirait à grosses gouttes.
Elle essuya son front du revers de sa main, puis le couvrit de baisers. .
Depuis qu'il avait atteint ses six ans, un changement s'était opéré; Martin. posait de plus en plus de questions. Des questions surprenantes, capitales.
Un matin c'était:
- Dieu est-il vraiment là-haut à s'occuper de nous?
Une après-midi:
- La mort, c'est quand on s'en va et qu'on ne revient plus jamais?
Une autre fois:
- Pourquoi les vieux ont des plis partout? Est-ce qu'un jour tu seras comme ça, maman? Et moi, un
jour ?
Enfin, ce soir, soudain, cette nouvelle question, irrépressible, véhémente; l'arrachant à son repas.
Cette question étrange, incongrue, entre deux bouchées, entre une pub et l'autre, entre sport et  
mode, théâtre et cinéma...
Cette question qui, brutalement, le prenant à la gorge, déversait dans cette pièce sereine, tranquille, l'image télévisuelle dans toute sa réalité.

Durant les repas, Thomas, lui, ne résistait pas au défilé des images. Au début, lorsqu'elles lui semblaient trop rudes, trop brutales pour l'enfant, il zappait pour quelques instants.
Martin lui paraissant, chaque fois, indifférent ou distrait, il avait renoncé à ces brefs intervalles.
Thomas estimait qu'il fallait se tenir au courant de ce qui agitait le vaste monde.
Toutes ces nouvelles finissaient par s'absorber avec impassibilité et sagesse. On ne pouvait
se laisser émouvoir ou déstabiliser par les malheurs de la planète. Aucun jour n'en- était dépourvu ! Thomas, comme tant d'autres, avait .ses soucis personnels, ses propres inquiétudes, auxquels il
fallait faire face avant de se préoccuper du reste.

L'appartement, haut perché, donnait sur une superbe ville. Une cité en paix, depuis plus d'un demi-siècle. On pouvait y jouir du soleil,- des étoiles, sans que des bombes s'abattent. Profiter de son logement, sans craindre que ses murs ne s'écroulent.
Malgré les risques habituels, les difficultés, on pouvait - quoi que l'on dise - goûter à l’existence, à son quotidien, vivable, responsable, parfois exaltant. L'horreur d'une .guerre, avec ses massacres, ses invasions, ses occupations, ne s'ajoutait pas aux problèmes personnels. Ici pour se défendre, agresser,
se glorifier, le sang des guerres avait cessé de. couler.
Thomas avait zappé jusqu'à ce que l'écran se transforme en personnages multicolores
et rondouillards d'un dessin animé en vogue.
- Retourne à ta place, Martin. Finis ton dessert, reprit-il.
L'enfant ne broncha pas. Agnès fit signe à son mari de ne pas insister.
- C'était vrai, maman, ces images?
- Rien que des images, dit-elle
- C'est pas des images! répliqua Martin.
- Mais oui, des images, comme au cinéma.
- C'est pas du cinéma! s'obstina l'enfant.
Il se redressa, délia ses bras et, posant ses mains sur les épaules de sa mère, son regard .dans le
sien:
- Tu mens... Tu dis pas le vrai.
- Regarde... c'est déjà autre chose, reprit-elle d'une voix rassurante.
L'enfant toujours sur ses genoux, elle l'aida à se retourner.
- Vois comme c'est beau, tu ne peux pas rater ça !
Le dessin animé venait de céder la place à une publicité qu'Agnès appréciait particulièrement. De ravissants bébés nageaient sous l'eau, s'élevaient dans les airs, composaient un ballet enchanteur. Limpide, l'eau jaillissait en geysers, en cascades. Les nombreux bébés, aux corps pulpeux, aux
visages épanouis, évoluaient, frétillaient joyeusement dans l'immense piscine bleue.


Andrée CHEDID, Arrêt sur image, recueil collectif Inventons la paix, 2000




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MessageSujet: La guerre, J. Giono, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix.    La guerre, Andrée CHEDID, Arrêt sur image. Icon_minitimeDim 1 Aoû 2010 - 1:03


Je n'aime pas la guerre. Je n'aime aucune sorte de guerre. Ce n'est pas par sentimentalité. Je suis resté quarante-deux jours devant le fort de Vaux et il est difficile de m'intéresser à un cadavre désormais. Je ne sais pas si c'est une qualité ou un défaut : c'est un fait. Je déteste la guerre. Je refuse de faire la guerre pour la seule raison que la guerre est inutile. Oui, ce simple petit mot. Je n'ai pas d'imagination. Pas horrible : non, inutile simplement. Ce qui me frappe dans la guerre ce n'est pas son horreur : c'est son inutilité. Vous me direz que cette inutilité précisément est horrible. Oui, mais par surcroît.

Il est impossible d'expliquer l'horreur de quarante-deux jours d'attaque devant Verdun à des hommes qui, nés après la bataille, sont maintenant dans la faiblesse et dans la force de la jeunesse. Y réussirait-on qu'il y a pour ces hommes neufs une sorte d'attrait dans l'horreur en raison même de leur force physique et de leur faiblesse. Je parle de la majorité. Il y a toujours, évidemment, une minorité qui fait son compte et qu'il est inutile d'instruire. La majorité est attirée par l'horreur : elle se sent capable d'y vivre et d'y mourir comme les autres : elle n'est pas fâchée qu'on la force à en donner la preuve. Il n'y a pas d'autre vraie raison à la continuelle acceptation de ce qu'après on appelle le martyre et le sacrifice.

Vous ne pouvez pas leur prouver l'horreur. (...) L'horreur s'efface. Et j'ajoute que, malgré toute son horreur, si la guerre était utile il serait juste de l'accepter. Mais la guerre est inutile et son inutilité est évidente. L'inutilité de toutes les guerres est évidente. Qu'elles soient défensives, offensives, civiles, pour la paix, le droit pour la liberté, toutes les guerres sont inutiles. La succession des guerres dans l'histoire prouve bien qu'elles n'ont jamais conclu puisqu'il a toujours fallu recommencer les guerres.

La guerre de 1914 a d'abord été pour nous, Français une guerre dite défensive. Nous sommes-nous défendus ? Non, nous avons vécu depuis des temps pareillement injustes. Elle devait être la dernière des guerres : elle était la guerre à tuer la guerre. L'a-t-elle fait ? Non. On nous prépare de nouvelles guerres ; elle n'a pas tué la guerre ; elle n'a tué que des hommes inutilement. La guerre civile d'Espagne n'est pas encore finie qu'on aperçoit déjà son évidente inutilité. Je consens à faire n'importe quel travail utile, même au péril de ma vie.

Je refuse tout ce qui est inutile et en premier lieu toutes les guerres car c'est un travail dont l'inutilité pour l'homme est aussi claire que le soleil.


J. Giono, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, parue en 1938
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MessageSujet: Re: La guerre, Andrée CHEDID, Arrêt sur image.   La guerre, Andrée CHEDID, Arrêt sur image. Icon_minitimeJeu 12 Aoû 2010 - 12:49





Un homme en tue un autre pour lui prendre sa bourse ; on l’arrête, on l’emprisonne, on le condamne à mort et il meurt ignominieusement, maudit par la foule, la tête coupée sur la hideuse plate-forme. Un peuple en massacre un autre pour lui voler ses champs, ses maisons, ses richesses, ses coutumes ; on l’acclame, les villes se pavoisent pour le recevoir quand il rentre couvert de sang et de dépouilles, les poètes le chantent en vers enivrés, les musiques lui font fête ; il y a des cortèges d’hommes avec des drapeaux et des fanfares, des cortèges de jeunes filles avec des rameaux d’or et des bouquets qui l’accompagnent, le saluent comme s’il venait d’accomplir l’œuvre de vie et l’œuvre d’amour. À ceux-là qui ont le plus tué, le plus pillé, le plus brûlé, on décerne des titres ronflants, des honneurs glorieux qui doivent perpétuer leur nom à travers les âges. On dit au présent, à l’avenir : « Tu honoreras ce héros, car à lui seul il a fait plus de cadavres que mille assassins. » Et tandis que le corps de l’obscur meurtrier pourrit, décapité, aux sépultures infâmes, l’image de celui qui a tué trente mille hommes se dresse, vénérée, au milieu des places publiques, ou bien repose, à l’abri des cathédrales, sur des tombeaux de marbre bénit que gardent les saints et les anges. Tout ce qui lui a appartenu devient des reliques sacrées, et l’on se rend en foule dans les musées, ainsi qu’à un pèlerinage, pour y admirer son épée, sa masse d’armes, sa cotte de mailles, le panache de son casque, avec le regret de n’y point voir les éclaboussures du sang des anciennes tueries.
Mais je ne veux pas tuer, dis-tu, je ne veux rien détruire de ce qui vit.

Comment ! tu ne veux pas tuer, misérable ? Alors la loi vient t’arracher à ton foyer, elle te jette dans une caserne, et elle t’apprend comment il faut tuer, incendier, piller ! Et si tu résistes à la sanglante besogne, elle te cloue au poteau avec douze balles dans le ventre, ou te laisse pourrir, comme une charogne, dans les silos d’Afrique.

La guerre est une brute aveugle. On dit : « La science de la guerre ». Ce n’est pas vrai. Elle a beau avoir ses écoles, ses ministères, ses grands hommes, la guerre n’est pas une science ; c’est un hasard. La victoire, la plupart du temps, ne dépend ni du courage des soldats, ni du génie des généraux, elle dépend d’un homme, d’une compagnie, d’un régiment qui crie : « En avant ! » de même que la défaite ne dépend que d’un régiment, d’une compagnie, d’un seul homme qui aura, sans raison, poussé le cri de : « Sauve qui peut ! » Que deviennent les plans des stratèges, les combinaisons des états-majors, devant cette force plus forte que le canon, plus imprévue que le secret des tactiques ennemies : l’impression d’une foule, sa mobilité, sa nervosité, ses enthousiasmes subits ou ses affolements ? La plupart des batailles ont été gagnées, grâce à des fautes fortuites, à des ordres non exécutés ; elles ont été perdues par un entêtement dans la mise en œuvre de plans admirables et infaillibles.



Lettres de ma chaumière
Octave Mirbeau
1885
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